Le gouvernement offrant une possibilité de réinsertion en Algérie, le départ pour l'Afrique fut
décidé.
Le père avait fait, semble t'il, un bon choix ! (J'ouvre ici une parenthèse pour rappeler
l'affirmation gratuite et péremptoire de Robert GARCIA, qui dans son livre « L'arrachement »
écrit : « bien que l'on ait longtemps présenté l'Alsace-Lorraine comme la victime de la barbarie
germanique et quelle que soit la place privilégiée qu'occupe cette région dans l'imaginaire
collectif national, on ne peut pas accréditer l'idée selon laquelle les Alsaciens Lorrains obéirent
strictement à des sentiments pro-français pour quitter leur région » !
Les généralisations sont souvent source d'erreurs, et ici, en particulier, de partis pris, même si le
nombre de départs n'a pas été total, comme il le fut, bien plus tard, pour les Français d'Algérie !)
Nanti d'un certificat élogieux établi par la Maire de Devants les Ponts, en date du 4 juillet 1871,
ayant vendu quelques biens, Louis BINDELIN s'en venait trouver refuge, en décembre 1871, sur
la terre africaine, qu'il ne devait plus quitter, et privé à jamais de tout ce qui avait été son cadre
de vie jusque-là.
Adieu le beau petit village « aux rues étroites et pavées, aux fermes rutilantes fleuries de
géraniums rouges et blancs, le blé rond de l'été a alternant avec le moutonnement des choux bleus
de l'automne »... (Jean-Jacques MOURREAU)
(En ce sens inverse, le même exode, le même déchirement, se produisirent en 1962, pour sa
descendance, obligée de quitter l'Algérie afin de ne pas perdre sa nationalité. Et s'éparpillant
sur le territoire Métropolitain, au gré des familles alliées qui l'accueillirent).
Il faut se souvenir qu'on avait fait miroiter à Louis une vie large et agréable, ce qui l'avait
encouragé à abandonner le sol natal, sur lequel plusieurs générations de BINDELIN avaient vécu.
Une petite concession lui fut louée pour neuf ans, à partir du 1er mars 1872, « A l'expiration du
bail, la propriété de la maison et du cheptel sera, comme celle de la terre louée, définitivement
acquise aux locataires ».
Le nouveau « colon », à qui l'administration distribue les outils et les semences, va défricher avec
acharnement son lot pour le cultiver. Une mule et une paire de boeufs, achetés de ses maigres
économies dès l'arrivée lui seront d'un grand secours.
Le point de chute, c'est Bellefontaine, près de Ménerville, dépendant de la commune de l'Alma.
On ne peut encore nommer »village », ce terrain 8sans rues, sans maisons, sans église, où
seulement quelques gourbis abritent les nouveaux venus.